samedi 6 mars 2010

Le veuf


Voilà c'était fini. Il avait remercié les amis, les voisins, les parents. Il avait décliné poliment les invitations des uns et des autres à venir les voir si ça n'allait pas. Il avait dissuadé sa sœur de s'installer chez lui quelques jours. Et après avoir étreint longuement sa belle-mère, il était retourné dans son appartement.

Là, il avait ouvert les placards et jeté toutes les affaires de sa femme dans un grand sac. Robes, jupes, tailleurs, chemisiers, chaussures. Même cette paire en cuir rouge et aux talons vertigineux qu'elle aimait tant. Puis il avait vidé les tiroirs où elle rangeait sa lingerie. Sa main s'était un instant attardée sur la douceur de la soie, la fragilité des dentelles puis s'était aussitôt ressaisie. Avec la même détermination, il avait rangé ses livres, ses CD dans un grand carton. Il y avait ajouté les albums photos. Ses photos. Leurs photos. Celles de leur rencontre, de leurs fêtes, de leurs vacances. Tous ces menus instants qu'ils pensaient éternels. Il avait résisté à la tentation de les regarder. Boîte de Pandore autrement plus redoutable que le cercueil clos du matin même.

Après un dernier coup d'œil pour voir s'il n'avait rien oublié, il avait chargé sacs et cartons dans le coffre de sa voiture et les avait apportés à la déchetterie.

De retour chez lui, il s'était assis à la table de la cuisine. Et dans la lumière rasante du soir, il l'avait aperçu sur le sol. Long, légèrement ondulé, doré. Il s'était penché et l'avait ramassé. Et là en contemplant un des cheveux de sa femme, il s'était mis à pleurer.

Illustration : Le Jeune Apprenti, d'Amedeo Modigliani


1 commentaire:

  1. C'est pas grand-chose un cheveu: un de ces petits riens qui vous font craquer…

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