tag:blogger.com,1999:blog-56317728690004088382024-03-13T13:43:43.374+01:00sytizenSylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.comBlogger7125tag:blogger.com,1999:blog-5631772869000408838.post-81356821525335158582010-05-20T18:06:00.007+02:002010-06-02T16:05:13.765+02:00Yvette Mordeloup, coiffeuse pour dames<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYLQF875ZKUACb6_nSQAMrxFigoHiEDsctW5aRnDV_hICe8bDmrCGc2wCotsVFN1fen5nPpA75noQ022E1EOKmdp-_zQgoLMCzTLUXtAjZvFw4TArnQY154Nze5Ei6IcNUKZHGrChY5P1g/s1600/4470670526_d61e25c13f_t.jpg"><img style="float: left; margin: 0pt 10px 10px 0pt; cursor: pointer; width: 137px; height: 204px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYLQF875ZKUACb6_nSQAMrxFigoHiEDsctW5aRnDV_hICe8bDmrCGc2wCotsVFN1fen5nPpA75noQ022E1EOKmdp-_zQgoLMCzTLUXtAjZvFw4TArnQY154Nze5Ei6IcNUKZHGrChY5P1g/s400/4470670526_d61e25c13f_t.jpg" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5473386574310426450" border="0" /></a><br />Yvette Mordeloup était coiffeuse pour dames et mangeuse d'hommes. Un feu au cul permanent qui la faisait s'allonger sous tous les mâles que comptait la petite ville où elle officiait. Mais si Yvette avait la cuisse légère, elle avait aussi le cœur lourd car bon nombre de ses amants, réguliers ou occasionnels, étaient les maris de ses clientes. Et ça chiffonnait sa conscience professionnelle ce mélange des genres. Aussi, elle redoublait d'attention pour les malheureuses épouses qui fréquentaient son salon. <p></p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Et que je te masse voluptueusement le cuir chevelu, et que je t'illumine cheveux ternes et fillasses de couleurs flamboyantes… sans oublier ce coup de ciseaux à nul autre pareil qui transformait la plus quelconque de ces dames en diva incendiaire.</p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais Yvette avait bien tort de culpabiliser, car la plupart de ses clientes, à tout prendre, préféraient une bonne coupe au coup hâtif et bâclé dont les gratifiaient leurs maris le samedi soir et n'auraient pour rien au monde renoncé à leur rendez-vous bihebdomadaire au salon de coiffure.</p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Mais un jour, tout bascula quand un représentant en produits capillaires entra dans le salon. Cheveux ondulés, verbe avantageux et œil frisotté, il déballa sa marchandise dans l'arrière-boutique et emballa la coiffeuse aussi sec. Un coup de foudre qui la tétanisa tandis que le gominé la besognait entre deux caisses de bigoudis multicolores. Dès lors Yvette refusa d'ouvrir ses cuisses à tout autre que son VRP adoré. Pire, elle confia sa clientèle aux mains inexpertes de Josiane, l'apprentie, afin de s'envoyer en l'air sans vergogne avec son figaro. Et le salon résonna jour et nuit des hululements orgasmiques de la coiffeuse tandis que Josiane, l'œil bovin et la mèche blondasse, massacrait la chevelure des clientes.</p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Au bout de quelques semaines, dans le salon, la révolte succéda au mécontentement. Nulle ne souvient comment l'idée germa, mais peu à peu elle enfla et s'imposa comme une évidence : pour retrouver les mains d'or de la coiffeuse, il fallait se débarrasser de l'infâme merlan qui la leur avait ravie. Comme leur esprit étroit de petites bourgeoises provinciales se refusait à commettre l'irréparable, elles se convainquirent qu'il s'agissait d'assistance à personne en danger. En effet, la belle Yvette à force d'arpenter le septième ciel en tout sens et dans toutes les positions s'étiolait et elle, jadis si gironde, faisait peine à voir. </p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Un matin, après un orgasme si violent que les murs en tremblèrent, Yvette fit une apparition au salon, son peignoir de soie voilant à peine son corps amaigri. Elle adressa un pâle sourire à ses clientes et s'évanouit, entraînant dans sa chute les présentoirs de shampoings en promotion. Horrifiées, les clientes se concertèrent du regard, leur décision prise : ce soir le VRP priapique ne serait plus de ce monde. </p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Tandis qu'Yvette était transportée à l'hôpital, ces dames s'organisèrent. La bouchère fut chargée d'apporter scies, hachoirs, désosseurs et couteaux, Josiane fut priée de cesser de pleurnicher et de se bouger les fesses pour dénicher coupe-chou, ciseaux et rasoirs bien affutés, les autres clientes se mirent en quête de bassines et de serpillères. </p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Une fois les ustensiles réunis, elles montèrent à l'étage, madame la maire en tête. Celle-ci entrebâilla la porte de la chambre où le rustre faisait sa sieste et s'immobilisa net en poussant un petit cri. Aussitôt ces dames se pressèrent pour voir ce qui avait troublé la notable. «Nom de Dieu!» s'exclama la boulangère. Sur le lit, le représentant en produits capillaires dormait entièrement nu, exposant à l'assemblée le plus gigantesque engin jamais répertorié. Rocco Siffredi à côté faisait figure de garçonnet prépubère. </p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Un instant désarçonnées, ces dames se reprirent et se mirent à l'ouvrage. Ce fut un jeu d'enfant grâce à la bouchère, qui connaissait son affaire en matière de découpage. Elles mirent les morceaux dans des sacs qu'elles firent brûler dans la chaudière, changèrent les draps, nettoyèrent les instruments et s'accordèrent un thé au jasmin pour se remettre de leurs émotions. Si toutes avaient remarqué au moment de mettre les restes du représentant au feu que son bel organe avait été subtilisé, nulle n'y fit allusion. Cette belle pièce de l'anatomie du VRP, une fois séchée et empaillée, allait faire une heureuse, c'est sûr.</p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Quelques jours plus tard, lorsqu'Yvette revint, on lui fit croire que le représentant en produits capillaires s'était fait la malle. La coiffeuse pleura beaucoup et se goinfra de pâtisseries pour se consoler. Puis tout rentra dans l'ordre, elle reprit ses ciseaux pour le plus grand bonheur de ses clientes. Quelques semaines plus tard, la belle Yvette avait retrouvé ses formes pulpeuses d'antan et gratifiait même ses clientes de confidences coquines sur l'attribut viril de son ancien amant. Détails, qui, allez savoir pourquoi, faisaient rougir madame la maire et glousser les clientes. </p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">Ah ! Comme l'humeur était joyeuse, comme l'harmonie régnait au sein du salon ! Jusqu'au jour où une de ces dames fit remarquer à Yvette qu'elle devrait peut-être y aller mollo côté petits gâteaux car son ventre s'arrondissait à vue d'œil. « Ce ne sont pas les gâteaux, murmura radieuse la coiffeuse. Je crois bien que je suis enceinte. D'ailleurs, mesdames, il vous faudra vous trouver une autre coiffeuse car, dès que le bébé sera là, je fermerai le salon pour me consacrer entièrement à lui.» </p> <p style="margin-bottom: 0cm;" align="JUSTIFY">L'annonce tomba comme un couperet. Des coiffeuses comme Yvette, il n'y en avait pas à des kilomètres à la ronde ! Ces dames se regardèrent déterminées : pas question de renoncer à leurs brushings impeccables et à leurs balayages acajou à cause d'un lardon ! Dans quelques mois, il leur faudrait ressortir désossseurs et couteaux… </p>Sylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5631772869000408838.post-21065579235853213312010-04-05T14:00:00.002+02:002010-04-05T18:46:30.632+02:00Beuverie sentimentale<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi7rlrdxQK4eieSFMzdL2pIR9UnNADSpgN31LvAt4x15RYmWWoeDWsf0AoGOpE_9Wvm7L6r5HSb5VgQCt-ZVbTnogzZFpNHzsIBIq8Y-XtL87EpThR847ucKBDVAM2XpohtPAJA6HYPkiJx/s1600/The+girl+on+the+bar,+de+Sion+Fullana.jpg"><img style="float: left; margin: 0pt 10px 10px 0pt; cursor: pointer; width: 282px; height: 282px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi7rlrdxQK4eieSFMzdL2pIR9UnNADSpgN31LvAt4x15RYmWWoeDWsf0AoGOpE_9Wvm7L6r5HSb5VgQCt-ZVbTnogzZFpNHzsIBIq8Y-XtL87EpThR847ucKBDVAM2XpohtPAJA6HYPkiJx/s400/The+girl+on+the+bar,+de+Sion+Fullana.jpg" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5456622347846916786" border="0" /></a><br />Il commanda un autre whisky au serveur. A trois heures de l'après-midi, c'était déjà le troisième. C'était pas dans ses habitudes de se bourrer la gueule, mais là il n'en pouvait plus. Sa vie partait à vau-l'eau. Son entreprise au bord de la faillite et sa Sophie qui, il en était sûr, fricotait avec Bruno, son associé et meilleur ami. Il étouffa un ricanement amer, ça lui rappelait une chanson de Charlebois : « et j'ai retrouvé ma Sophie, elle était dans mon lit avec mon meilleur ami… » Même son malheur manquait d'originalité.<br />Le pire, c'est que c'était dans la logique des choses. Que Sophie, belle et intelligente, l'ait choisi lui, spécialiste des projets qui capotaient, affligé, qui plus est, d'un physique passe-partout et d'une calvitie précoce, ça tenait du miracle. Et les miracles, c'est ce que la vie a inventé de mieux pour vous laminer une fois qu'elle vous a fait croire à l'impossible… Alors à un moment donné, il faut payer l'addition pour délit de rêve insensé.<br />C'est en hélant le serveur pour un quatrième whisky qu'il la remarqua. Elle était assise un peu plus loin à une table, seule, les yeux fixés sur lui. Un regard à la fois mélancolique et joyeux. Une étrange alchimie qui le troubla. Il esquissa un sourire, puis effrayé de son audace se réfugia dans la contemplation de son verre. Il avait eu le temps de voir qu'elle était jolie. Très jolie. Avec une fragilité dans le port de tête émouvante. Un peu comme ces fleurs coupées qui ploient sous le poids de leurs pétales. Il lui jeta à nouveau un bref coup d'œil, elle le regardait toujours. Avec intensité. Jamais aucune femme ne l'avait regardé avec une telle intensité, même les rares qui l'avaient aimé.<br />Il savait qu'il ne l'aborderait pas. Trop timide ou trop lâche. Mais curieusement l'intérêt qu'elle semblait lui porter avait fait voler en éclats sa tristesse. Il se sentit ragaillardi, prêt à envoyer paître Sophie et Bruno. Et c'est le cœur presque léger qu'il demanda l'addition.<br />En sortant, il glissa un regard furtif et reconnaissant à la jeune fille. Un regard si furtif qu'il ne remarqua pas, appuyée contre le rebord de la table, la canne blanche de la jeune femme.Sylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5631772869000408838.post-35611995317885648932010-03-17T15:06:00.004+01:002010-03-17T15:19:00.285+01:00Chute<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjm2pwe2TGcOlP7XoelB2vTLcz8FPCGeKmogaCUA7tBXCIsQsIjxUbKpO-AGC0cKE7EIwBxokodn8gPKmUeRDKUqmaXioTtslK9pHdzYdD9QVeJGY00xtVC_tSNvy525JNc1T7v2M6h8lHm/s1600-h/par+la+fen%C3%AAtre+de+Yoan+Bernabeu.jpg"><img style="float: left; margin: 0pt 10px 10px 0pt; cursor: pointer; width: 394px; height: 400px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjm2pwe2TGcOlP7XoelB2vTLcz8FPCGeKmogaCUA7tBXCIsQsIjxUbKpO-AGC0cKE7EIwBxokodn8gPKmUeRDKUqmaXioTtslK9pHdzYdD9QVeJGY00xtVC_tSNvy525JNc1T7v2M6h8lHm/s400/par+la+fen%C3%AAtre+de+Yoan+Bernabeu.jpg" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5449604845612429090" border="0" /></a>
<br /><div style="text-align: justify;"><meta equiv="CONTENT-TYPE" content="text/html; charset=utf-8"> <title></title> <meta name="GENERATOR" content="NeoOffice 3.0.2 (Unix)"> <style type="text/css"> <!-- @page { margin: 2cm } P { margin-bottom: 0.21cm } --> </style> </div><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">Des idées, il n'en avait pas. Pourtant, ce n'était pas faute d'être sollicité. Au cours des soirées entre amis, des repas de famille. Sur un peu tout. La politique, l'éducation, le nucléaire, la taxe carbone, les femmes, le dernier prix Goncourt… Mais rien. Pas un soupçon d'opinion. Alors, on insistait. « Mais enfin qu'est-ce que tu en penses? T'as bien une idée? » Mais non, justement, il n'en avait pas. Ou peut-être trop. Les pour, les contre, les peut-être s'entrechoquaient dans sa tête. Alors il préférait ne rien dire. </p><div style="text-align: justify;"> </div><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">Avec sa femme, c'était pareil. « A ton avis, je mets ma robe verte ou la rouge? Cet été, on va en Corse ou en Grèce ? » Il se contentait de répondre «comme tu voudras» parce que que ce soit en vert ou en rouge, en Corse ou en Grèce, il l'aimait envers et contre tout. Mais au fil des années, il n'avait pas vu le sourire plein d'indulgence de sa femme se transformer en moue d'exaspération. Il pensait que son amour muet était plus fort que les avis tranchés des uns et les opinions inébranlables des autres. Mais il faut croire que ça ne lui suffisait pas à sa femme, car un beau jour elle l'a quitté. </p><div style="text-align: justify;"> </div><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">Là encore, il n'avait pas la moindre idée des raisons qui l'avaient poussée à le plaquer. Mais pour une fois, il n'a pas hésité. Il a ouvert la fenêtre, a enjambé la balustrade et a sauté. Curieusement, pendant sa chute, il s'est mis à fourmiller d'idées. Sur tout. La vie, la mort, l'amour, le temps… Des milliers d'idées jaillissaient de ses neurones, enfin libérées de leur cocon. Comme si cette ultime culbute donnait un coup de fouet à son cerveau endormi depuis si longtemps. Juste avant de s'écraser sur le bitume, il s'est dit que cette défenestration était la meilleure idée qu'il avait jamais eue. Il a juste regretté de ne pas l'avoir eue plus tôt et que sa femme ne soit plus là pour l'admirer. </p>
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<br />Photo : Yoan BernabeuSylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5631772869000408838.post-67672553244689007972010-03-06T19:51:00.009+01:002010-03-09T14:57:34.854+01:00Le veuf<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEju5lnooESm-3E6GUnKNLl21fgi1pjPo3bxYYpeTqVATITW1pzJope4P1auNmhnNlub87r4ktGSOd9jhbhklnYRjo6jeb_RdvpOUYuxftqTMxQg1yLK8Z5P3GKaD7CUCHOlvTrh6fsUhGnR/s1600-h/Le+jeune+apprenti+Modigliani.jpg"><img style="margin: 0pt 10px 10px 0pt; float: left; cursor: pointer; width: 127px; height: 197px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEju5lnooESm-3E6GUnKNLl21fgi1pjPo3bxYYpeTqVATITW1pzJope4P1auNmhnNlub87r4ktGSOd9jhbhklnYRjo6jeb_RdvpOUYuxftqTMxQg1yLK8Z5P3GKaD7CUCHOlvTrh6fsUhGnR/s400/Le+jeune+apprenti+Modigliani.jpg" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5446629376594305346" border="0" /></a><br />Voilà c'était fini. Il avait remercié les amis, les voisins, les parents. Il avait décliné poliment les invitations des uns et des autres à venir les voir si ça n'allait pas. Il avait dissuadé sa sœur de s'installer chez lui quelques jours. Et après avoir étreint longuement sa belle-mère, il était retourné dans son appartement. <p style="margin-bottom: 0cm;">Là, il avait ouvert les placards et jeté toutes les affaires de sa femme dans un grand sac. Robes, jupes, tailleurs, chemisiers, chaussures. Même cette paire en cuir rouge et aux talons vertigineux qu'elle aimait tant. Puis il avait vidé les tiroirs où elle rangeait sa lingerie. Sa main s'était un instant attardée sur la douceur de la soie, la fragilité des dentelles puis s'était aussitôt ressaisie. Avec la même détermination, il avait rangé ses livres, ses CD dans un grand carton. Il y avait ajouté les albums photos. Ses photos. Leurs photos. Celles de leur rencontre, de leurs fêtes, de leurs vacances. Tous ces menus instants qu'ils pensaient éternels. Il avait résisté à la tentation de les regarder. Boîte de Pandore autrement plus redoutable que le cercueil clos du matin même.</p> <p style="margin-bottom: 0cm;">Après un dernier coup d'œil pour voir s'il n'avait rien oublié, il avait chargé sacs et cartons dans le coffre de sa voiture et les avait apportés à la déchetterie. </p> <p style="margin-bottom: 0cm;">De retour chez lui, il s'était assis à la table de la cuisine. Et dans la lumière rasante du soir, il l'avait aperçu sur le sol. Long, légèrement ondulé, doré. Il s'était penché et l'avait ramassé. Et là en contemplant un des cheveux de sa femme, il s'était mis à pleurer.</p><p style="margin-bottom: 0cm;">Illustration : <span style="font-style: italic;">Le Jeune Apprenti,</span> d'Amedeo Modigliani<br /></p> <p style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p>Sylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-5631772869000408838.post-33692597291858061402010-02-24T16:37:00.004+01:002010-03-09T14:55:18.512+01:00Petit Ours brun, j'aurai ta peau<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEguvoXRlOzMfTtJgNdDqDkWIJtKDNSaPG9HSSnpkGVT9Sk8t-P6EUi05QzVAMSUJrBarvG76q5cANKcEWiYsfBfYZ_sjaoDBnbTn7n1uMQMGiT30XUWRJ-a9bDFedxGHFiAwsL_d4iCcnhx/s1600-h/Petit+Ours+brun.jpeg"><img style="margin: 0pt 10px 10px 0pt; float: left; cursor: pointer; width: 247px; height: 232px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEguvoXRlOzMfTtJgNdDqDkWIJtKDNSaPG9HSSnpkGVT9Sk8t-P6EUi05QzVAMSUJrBarvG76q5cANKcEWiYsfBfYZ_sjaoDBnbTn7n1uMQMGiT30XUWRJ-a9bDFedxGHFiAwsL_d4iCcnhx/s400/Petit+Ours+brun.jpeg" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5441835428978473522" border="0" /></a><br />Ça revient toujours comme une litanie… On ferme le livre avec le sentiment du devoir accompli. On s'imagine déjà vautrée sur le canapé, l'œil rivé sur une série télé, enfin peinarde, la chère tête blonde, ou brune, ou rousse, endormie sous sa couette… On croit que c'est gagné. Mais il y a cette petite phrase : « Raconte-moi encore ».<br />On essaie bien de tergiverser, d'aligner des arguments qu'on veut croire imparables : « Non, il est tard, demain, tu as école. » Mais la chère tête blonde, ou brune, ou rousse, tient bon : « S'il te plaît, raconte-moi encore, rien qu'une petite fois… » Alors on fait appel à sa compassion : « Maman est fatiguée, demain si tu veux. » Mais la chère tête blonde, ou brune, ou rousse, n'en a visiblement rien à cirer et commence à grimacer. Et ça d'expérience, on sait que ça va finir en gros sanglots et qu'on pourra faire une croix définitive sur l'option canapé avec Dr House intégré.<br />On aimerait lui hurler à la chère tête blonde, ou brune, ou rousse : « Maman est éreintée, exténuée, harassée, crevée, lessivée, HS ! et elle en a marre des aventures de Petit Ours brun ! D'ailleurs, si ça ne tenait qu'à elle, elle l'enverrait bien dans les Pyrénées, Petit Ours brun, pour qu'il se fasse dégommer par les chasseurs ! » Mais on regarde sa chère tête blonde, ou brune, ou rousse, on reprend le livre la mort dans l'âme et on soupire : « D'accord, mon chéri, mais une fois, pas plus… »<br /><br />Illustration : <span style="font-style: italic;">Petit Ours brun,</span> de Danièle BourSylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-5631772869000408838.post-90621135933304295442010-02-10T18:12:00.002+01:002010-03-09T14:53:01.597+01:00L'ombre d'un doute<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhaz05IqvhgXlHw8YsEH16y1I5piyBrNmY9odI9e1m3EZkSuSmLYneInZx8Mb8ssny4s3GtlfXvq2fNgvmwD4cSMmLd-r4-yzZNFNNiL-l1j0Uez5bAD9D-fbXqXXMYvc9vYx7eRQSVijQ7/s1600-h/ombre.jpeg"><img style="margin: 0pt 10px 10px 0pt; float: left; cursor: pointer; width: 189px; height: 279px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhaz05IqvhgXlHw8YsEH16y1I5piyBrNmY9odI9e1m3EZkSuSmLYneInZx8Mb8ssny4s3GtlfXvq2fNgvmwD4cSMmLd-r4-yzZNFNNiL-l1j0Uez5bAD9D-fbXqXXMYvc9vYx7eRQSVijQ7/s400/ombre.jpeg" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5436664563332858434" border="0" /></a><br /><div style="text-align: justify;">Cela commença par un léger décalage. Au début, elle n'y prêta pas attention, puis un jour ensoleillé où elle levait la main pour héler un taxi, son ombre sur le trottoir resta immobile. Pendant le trajet, elle se dit qu'elle avait rêvé, elle haussa les épaules et se plongea dans ses dossiers.<br />Mais les jours suivants, elle commença à épier son ombre. Le midi, pendant la pause-déjeuner, quand le soleil était à son zénith et que son ombre aurait dû se ratatiner à ses pieds, elle se déployait comme une corolle. A l'inverse, quand la lumière rasait l'horizon et que son ombre aurait dû s'étirer comme un élastique, elle se recroquevillait timidement.<br />Un soir, dans sa chambre, elle essaya même de faire des ombres chinoises. Mais quand elle voulut représenter un lapin, c'est un oiseau qui s'envola sur le mur blanc. Elle tenta un dromadaire et se retrouva avec un poisson-chat… Il lui fallut bien se rendre à l'évidence : son ombre ne lui obéissait plus.<br />Alors, elle se mit à dépérir. Elle, la chef d'entreprise redoutée par ses salariés, sursautait au moindre bruit, jetait des regards effrayés derrière elle comme si un ennemi invisible la menaçait. Dans les couloirs, la rumeur commença à circuler que la patronne avait peur de tout, même de son ombre. Au fil des semaines, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. L'entreprise périclita et finit par faire faillite. Et au bout de quelques mois, celle qui, au cours des années avait bataillé ferme pour se faire une place au soleil, ouvrit la fenêtre et bascula à jamais dans le royaume des ombres.<br /><br />Photo : <span style="font-style: italic;">Ombres,</span> de Richard Vantielcke<br /></div>Sylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-5631772869000408838.post-76774942696397470412010-02-07T14:58:00.002+01:002010-03-09T14:48:23.063+01:00Le divan<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjCXH2eqR0lbVte4feel8KWrHG0oG4uuwPwKAsMSBiVMIqmUppnZgIX4pj9MYrKIyg-wsqGaNvvQAKIXB8-2O1QoUw0brFWD9vsLTNvjvNfMZNGNgAO957VInmkB4GJeepYWgPE_xla1gBw/s1600-h/Nu+au+divan+rouge+Kisling.jpeg"><img style="margin: 0pt 10px 10px 0pt; float: left; cursor: pointer; width: 267px; height: 206px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjCXH2eqR0lbVte4feel8KWrHG0oG4uuwPwKAsMSBiVMIqmUppnZgIX4pj9MYrKIyg-wsqGaNvvQAKIXB8-2O1QoUw0brFWD9vsLTNvjvNfMZNGNgAO957VInmkB4GJeepYWgPE_xla1gBw/s320/Nu+au+divan+rouge+Kisling.jpeg" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5435501540629302418" border="0" /></a><br /><div style="text-align: justify;"><span style="font-size:100%;">Nous étions une cinquantaine rassemblés dans la salle d'exposition de ce grand magasin d'ameublement. Canapés, méridiennes, chauffeuses et enfin divans, dont j'étais sans conteste le plus beau modèle. Lignes sobres, épurées. Classique, avec une pointe d'avant-gardisme. J'avais pleinement conscience de ma qualité exceptionnelle, attestée par le label dont on m'avait gratifié. J'étais neuf et vaniteux en ce temps-là et regardais avec condescendance les clic-clac et autres convertibles bon marché. Leurs couleurs criardes, leurs entrailles en mousse et en fibres synthétiques ne pouvaient rivaliser avec ma pure laine vierge tissée main.<br />Pièce maîtresse de l'exposition, j'attirais les regards. Des hommes seuls me contemplaient d'un air songeur, imaginant sans doute quelque voluptueuse créature qui les attendrait là, alanguie et offerte. Les week-ends, des familles défilaient devant moi, m'admirant avec tout le respect que l'on doit à un rêve inaccessible. Je recevais ces hommages comme un dû et attendais patiemment mon heure, persuadé d'être promis à un bel avenir. Suite princière ou hôtel particulier, tel était le décor qui convenait à ma beauté, tandis que les autres, pauvres canapés-lits dénués de grâce, meubleraient la salle à manger d'un quelconque appartement HLM.<br /><a name='more'></a><br />Mais au fil des semaines, je commençai à déchanter. Mes compagnons se vendaient comme des petits pains, et je restais là, objet de convoitise certes, mais inabordable et inutile. Peu à peu, je sentis que j'agaçais les vendeurs. On regrettait de m'avoir acheté, j'étais trop haut de gamme pour la clientèle de ce quartier populaire. C'est le directeur en personne qui planta la première banderille. Une affichette jaune fluo sur laquelle était mentionné : « Promotion exceptionnelle - 20 % ! ». Mais même en promotion, j'étais encore trop cher. Alors, deux semaines plus tard, on planta la deuxième banderille : « A saisir : - 40 % ! ».<br />Ce fut le début de la déchéance. Ces mêmes familles qui n'osaient pas me toucher il y a quelques semaines à peine se vautraient sur moi, me palpaient comme un vulgaire matelas, mettaient en doute ma qualité. Des gamins mal élevés me sautaient dessus, comme si j'étais un trempoline. Certains vendeurs indélicats allèrent même pendant leur pause jusqu'à poser leurs chaussures douteuses sur mon ventre, flétrissant ma beauté de leurs auréoles de café et de la cendre de leurs cigarettes. C'est alors qu'on me porta l'estocade finale. « A liquider : - 60 % ! » J'étais définitivement déclassé, bradé, vendu à l'encan.<br />Ma vie devint un enfer. Je n'espérais plus rien, j'attendais la mort. Quand, un jour, un homme s'arrêta longuement près de moi. Fines lunettes cerclées d'or, costume de velours, une petite cinquantaine à vue de pattes d'oie. Il pencha la tête, lut avec attention l'infâmante étiquette, sembla hésiter, puis se rapprocha. Sa main m'effleura, elle était douce. Une main d'esthète. Je retenais mon souffle de crainte de l'effrayer et qu'il rebrousse chemin m'abandonnant à jamais. Il caressa délicatement mon tissu 100 % laine. Je repris espoir. Juste avant sa venue, deux monstres d'une dizaine d'années m'avaient laminé, l'un avait même entrepris d'écrire sur mon flanc au feutre bleu indélébile « merde à celui qui le lira », heureusement arrêté dans son forfait par un employé charitable. L'homme commença à tourner autour de moi, s'enhardissant jusqu'à poser sur moi un arrière-train timide qu'il fit tressauter deux fois pour estimer mon confort. Quand un vendeur se précipita, et que l'homme bien loin de fuir s'enquit des délais de livraison, je sus que j'étais sauvé.<br />La pièce dans laquelle il me fit installer n'était pas très grande, mais chaleureuse. Des bibliothèques couvertes de livres, un bureau et deux fauteuils en cuir. Quelques aquarelles au mur. Ce n'était pas la suite princière dont j'avais rêvé, mais ce décor d'intellectuel flattait mon ego, qui avait repris du poil de la bête depuis que l'homme m'avait adopté. Après le départ des livreurs, il me revêtit d'un dessus de lit et de quelques coussins. Il recula de quelques pas et me contempla d'un air satisfait. Puis il éteignit la lumière et partit. Je restai dans le noir, décontenancé.<br />Il revint le lendemain matin, tapota mes coussins, lissa mon tissu puis s'installa à son bureau pour y consulter des dossiers. A 10 heures, la sonnette retentit. Il alla ouvrir et revint accompagné d'un homme visiblement agité. Tout en tenant des propos incohérents, le visiteur s'allongea sur moi, et éructa insultes et grossièretés qui semblaient s'adresser à sa mère. Au bout d'une demi-heure, il se leva, maugréa un au revoir maussade et déposa quelques billets sur un guéridon. Cinq minutes plus tard, mon propriétaire introduisait une jeune femme, qui se jeta sur moi pour y éclater en sanglots. Ce fut comme ça toute la journée. Une succession d'inconnus s'affalèrent sur moi, sans que mon propriétaire n'y trouvât à redire. D'ailleurs il restait étrangement silencieux, sauf quelques « Mmmm », « Oui… ».<br />Sur qui étais-je tombé ? Un proxénète d'un genre nouveau qui vendait mes charmes à des clients pervers et divanmaniaques ?<br />Puis au fil des jours, je compris, mon maître était psychanalyste. Je n'entendais rien à cette discipline, mais je sus très vite que j'en étais l'élément central. Sans moi, point de salut. Mais il fallait me mériter. Les patients novices n'étaient pas autorisés à m'occuper et devaient rester assis dans le fauteuil de longs mois avant de pouvoir prétendre à l'intronisation. Mais je voyais combien je les fascinais. Pendant les séances, ils coulissaient vers moi des regards concupiscents ou craintifs. Et enfin le grand jour arrivait, celui où mon maître les invitait à prendre place sur moi. Timides, ils s'asseyaient alors du bout des fesses, n'osant étendre leurs jambes, tandis que mon maître les encourageait doucement. Alors ils s'allongeaient, raides, crispés, anxieux, comme une jeune vierge lors de sa nuit de noces.<br />Pendant des années, j'ai assisté mon maître. Réceptacle de la souffrance humaine, j'ai tout enduré. Coups de pied, coups de poing, insultes et larmes. Et ce qui devait arriver arriva. Il y a quelques semaines, alors qu'un patient s'allongeait, du profond de mes entrailles s'est élevé un long gémissement. Une sorte de cri primal. Qui était aussi mon chant du cygne (du "signe" aurait dit mon maître). Car la situation a empiré. Je n'ai plus cessé dès lors de soupirer, de gémir, de geindre. Si j'avais le cœur à rire, je dirais que je "sommiétisais". La thérapie des patients s'en est trouvée ralentie et mon maître a commencé à me regarder avec suspicion.<br />Et hier soir, j'ai su que c'était fini. Son dernier patient parti, mon maître a saisi un catalogue d'ameublement, l'a longuement consulté et soudain son visage s'est éclairé. Il a corné une page puis il a téléphoné au service d'enlèvement des objets encombrants.<br /><br />Illustration : <span style="font-style: italic;">Nu au divan rouge,</span> de Moïse Kisling<br /></span></div><span style="font-size:100%;"><br /></span>Sylviehttp://www.blogger.com/profile/07375490182342571043noreply@blogger.com1